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Nucléaire: l’Allemagne a débranché définitivement ses trois dernières centrales en activité

La centrale nucléaire de Neckarwestheim 2, exploitée par EnBW Energie Baden-Wuerttemberg AG, à Neckarwestheim, en Allemagne, samedi 14 avril dans la soirée. HEIKO BECKER/REUTERS

RÉCIT - Berlin a mis fin samedi 15 avril à des décennies d’utilisation de l’atome et mise désormais sur les énergies renouvelables.

Correspondant à Berlin

Ce samedi 14 avril 2023, le mouvement antinucléaire savoure son «grand succès», selon la propre expression de l’ONG Greenpeace: les trois dernières centrales allemandes d’Isar, Emsland et Neckarwestheim III ont été définitivement débranchées du réseau, mettant fin, outre-Rhin, à des décennies d’utilisation de l’atome. La fête a été célébrée devant la porte de Brandebourg autour d’une statue de dinosaure conçue par un sculpteur de Düsseldorf. L’animal préhistorique, symbolisant la caducité des réacteurs, était entouré de fûts de déchets et surmonté d’un «soleil antinucléaire en position de vainqueur», annonçait fièrement Greenpeace à l’approche de l’événement. Cet adieu à l’atome a rassemblé quelques centaines de personnes, tout comme à Munich et dans d’autres villes. La sortie du nucléaire «arrive trop tard et non trop tôt», a lancé samedi soir à Berlin le député Jürgen Trittin, figure du parti des Verts. Le 15 avril est une «date historique», a-t-il assuré. C’est l’aboutissement du combat mené depuis plusieurs décennies par le puissant mouvement antinucléaire allemand contre «une technologie dangereuse, non durable et coûteuse».

Une statue de dinosaure mort symbolise la caducité des réacteurs nucléaires, porte de Brandebourg à Berlin, samedi 15 avril. ODD ANDERSEN/AFP

Hormis ces quelques célébrations, c’est sans tambours ni trompettes que Berlin a mis officiellement fin à cette source d’énergie, assurant dans un communiqué publié jeudi, que «la grande disponibilité de l’approvisionnement énergétique reste assurée en Allemagne». Le processus d’extinction fut néanmoins émaillé de multiples incidents. En pleine crise d’approvisionnement gazière générée par la guerre en Ukraine, un délai d’activité supplémentaire de trois mois avait été accordé à ces trois centrales au-delà de la date initiale du 31 décembre 2022. C’est ce calendrier, lui-même fixé par son prédécesseur social-démocrate Gerhard Schröder, que la chancelière CDU Angela Merkel avait décidé de respecter, au lendemain de la catastrophe de Fukushima.

La décision fut prise sans concertation avec Paris, «dans l’émotivité» jugea à l’époque Nicolas Sarkozy. Revenus au pouvoir en 2021, avec le SPD, les Verts ne pouvaient qu’entériner le virage de Merkel - quand bien même celui-ci déplût à Paris. Mais c’est finalement sous l’influence de la France, handicapée par les défaillances de ses réacteurs, qu’Olaf Scholz accorda, dans la douleur, un ultime délai de grâce à l’industrie. «À cause de la guerre de Poutine et du désastre de l’industrie nucléaire française, toute l’Europe doit produire comme une folle pour alimenter la France», dénonça en octobre dernier Jurgen Trittin, l’ancien ministre Grünen de l’Environnement et artisan historique de la sortie de l’atome.

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«Nous sommes toujours en période de guerre»

Aujourd’hui, le gouvernement referme en toute discrétion cette parenthèse, qui a mis à l’épreuve l’unité de la coalition. La décision va à rebours d’une grande partie de l’opinion publique et des pratiques européennes. Au sein de l’UE, «l’énergie nucléaire semble offrir une alternative de nouveau crédible», constate la Fondation Robert Schuman, notant qu’une dizaine de pays, dont six d’Europe centrale entament la construction de nouvelles centrales. En Pologne, un premier réacteur situé à 300 kilomètres de la frontière allemande, devrait entrer en service en 2033. Selon un sondage You Gov, publié par l’agence de presse DPA, 65 % des Allemands se montrent également favorables à une poursuite de l’exploitation, sans néanmoins remettre en cause le principe de l’abandon.

La grande disponibilité de l’approvisionnement énergétique reste assurée en Allemagne

Un communiqué publié jeudi par Berlin

Selon d’autres enquêtes d’opinion, les préoccupations liées à la  «sécurité énergétique» surpassent désormais au sein de la population les impératifs de «protection de l’environnement». «Nous sommes toujours en période de guerre, ce qui a des conséquences importantes sur l’approvisionnement et nous commande d’être prudents », appuie le député FDP, Konrad Stockmeier, porte-parole sur les questions énergétiques. Ce parti membre de la coalition a milité en vain pour une prolongation de l’atome au-delà du 15 avril. Olaf Scholz aurait eu du mal à ignorer ce marqueur idéologique que constitue pour les Verts le rejet du nucléaire, également associé dans l’histoire de la récente République allemande, à la vigueur de la tradition pacifiste. Pour sa part, le ministre de l’Économie et du Climat Robert Habeck pense avoir surmonté l’hypothèque du gaz russe en mettant en service les premiers terminaux de GNL.

Il assure que les réservoirs sont remplis à des niveaux élevés (64,5 %). Les trois derniers réacteurs n’assuraient que 6 % de la production énergétique (33 % pour le charbon actuellement). Berlin s’accroche désormais à son objectif de décarboner son économie d’ici à 2045, via un recours massif aux renouvelables. «Désormais, nous n’avons pas d’autre choix», appuie Murielle Gagnebin, directrice du projet énergie européen de l’ONG Agora. Cette association se félicite d’assister à une «forte demande sociétale en faveur de la transition énergétique». En témoignent, explique-t-elle, une demande inégalée de pompes à chaleur et le quadruplement d’installations photovoltaïques dans les foyers. La route s’annonce néanmoins tortueuse. L’an dernier, la hausse de consommation de charbon - dont la fin est «idéalement» prévue en 2038 - a annulé en termes d’émissions de CO2 les bénéfices des économies d’énergie. Ces émissions ont stagné à 761 millions de tonnes.

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558 commentaires
  • Edwin Bobo

    le

    Ce qui est instructif est que les japonais eux, reviennent progressivement au nucléaire civil. Il n’y a pas eu de personnes irradiées à Fukushima, seulement des personnes emportées par le tsunami, ce dont bien entendu nos chers écolos se sont empressés de nous cacher.

  • PA75

    le

    Les allemands vont dans le mur par idéologie. Ils ont tout fait pour détruire EDF, mais il me semble qu’ils vont échouer car les français ont réagit à temps. Mais il est très tard et il faut mettre le turbo pour reconstruire notre industrie nucléaire si ça n’est pas trop tard.

  • Ryan84

    le

    En arretant le nucléaire l allemagne va pouvoir concentrer son budget energie sur les energies renouvelable et inciter les allemands a la sobriete energetique. Ils pourront ainsi atteindre leur objectif d arret des centrales a charbon en 2038

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