Il était l’un des derniers opposants publics du Kremlin à ne pas être derrière les barreaux ou réfugié à l’étranger. Un tribunal de Moscou a condamné, lundi 17 avril, l’opposant Vladimir Kara-Mourza à vingt-cinq ans de « colonie à régime strict » pour plusieurs chefs d’accusation, dont celui de « haute trahison », dans un contexte de répression tous azimuts en Russie, accentué depuis le 24 février 2022, premier jour de l’invasion de l’Ukraine.
A l’issue du procès, qui s’est tenu à huis clos, le tribunal a annoncé qu’il reconnaissait M. Kara-Mourza coupable de « haute trahison » (art. 275 du code pénal russe), « diffusion publique d’informations délibérément fausses sur l’armée russe » (art. 207.3, II), et « conduite d’activités d’une organisation non gouvernementale étrangère ou internationale dont les activités ont été déclarées indésirables sur le territoire de la Fédération de Russie » (art. 284.1, I).
Opposant de longue date au président, Vladimir Poutine, l’homme de 41 ans a été condamné à la peine cumulée requise par le parquet, la plus lourde qu’il encourait pour ces accusations. La condamnation de ce proche de l’opposant de premier plan Boris Nemtsov, assassiné en 2015, est assortie d’une amende de 400 000 roubles (4 480 euros) et de l’interdiction d’exercer des activités journalistiques pendant sept ans.
Menotté dans la cage dévolue aux accusés et portant un jean bleu, un t-shirt noir et une veste grise, l’opposant russe a accueilli la sentence avec un sourire, avant d’enjoindre par des gestes ses soutiens à lui écrire en prison. Il s’agit « juste d’une vengeance politique » et c’« est un prisonnier politique, cela ne fait pas de doute », a commenté son avocat Vadim Prokhorov, de Washington.
L’une de ses avocats, Maria Eismont, a annoncé que M. Kara-Mourza allait faire appel. « C’est un terrible verdict, mais il illustre la grande valeur de l’action de Vladimir », a estimé Me Eismont, affirmant que son client restait d’humeur « vaillante » et pensait « sincèrement avoir agi pour le bien de la Russie ». Sa mère, Elena, a, elle, condamné après le verdict une « démonstration d’injustice effrontée » et « absurde ».
« Je considère [le verdict] comme illégal, éhonté, tout simplement fasciste. Je crois que Vladimir Kara-Mourza est persécuté pour des raisons politiques », a fustigé l’opposant russe emprisonné Alexeï Navalny, se disant « profondément indigné », selon un message transmis par son équipe sur les réseaux sociaux.
Victime de « la campagne de répression intensifiée »
Cette condamnation a également suscité l’indignation dans les pays occidentaux.
Washington a fustigé une « campagne de répression intensifiée » et une condamnation ayant un mobile « politique », l’Union européenne fustigeant de son côté une peine « scandaleusement sévère » et une « utilisation abusive du pouvoir judiciaire ».
La France s’est dite « consternée », l’Allemagne dénonçant avec « la plus grande fermeté » un jugement visant à « empêcher toute voix critique », tandis que le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme et Londres ont exigé « la libération immédiate » de M. Kara-Mourza, qui possède aussi la nationalité britannique.
Dans la soirée, Moscou a fustigé « l’ingérence directe » de Londres « dans (s)es affaires intérieures », y voyant notamment « une tentative de faire pression sur le système judiciaire russe ».
Arrêté en avril pour avoir dénoncé l’invasion de l’Ukraine
Pour l’Allemagne, « ce jugement, comme beaucoup d’autres, vise à dissuader, à exclure et à empêcher toute voix critique [en Russie] », a déclaré lors d’une conférence de presse régulière une porte-parole du ministère des affaires étrangères, Andrea Sasse. Vladimir Kara-Mourza, détenant la nationalité britannique en plus de la nationalité russe, le bureau des affaires étrangères du Royaume-Uni a convoqué l’ambassadeur russe, Andreï Keline, pour lui signifier qu’il considérait la condamnation de l’opposant comme « contraire aux obligations internationales de la Russie concernant les droits humains ».
Le dissident russe avait été arrêté à Moscou en avril 2022 pour avoir dénoncé l’invasion de l’Ukraine par la Russie. « Non seulement je ne me repens de rien de tout cela, mais j’en suis fier », a-t-il lancé lors de ses dernières déclarations. Il s’est dit, par ailleurs, impatient du jour « où ceux qui ont allumé et déclenché cette guerre, et non ceux qui ont essayé de l’arrêter, seront reconnus comme criminels ».
Son procès s’est déroulé à huis clos alors que la Russie a adopté une loi criminalisant la « diffusion publique d’informations délibérément fausses sur l’armée russe » peu de temps après avoir envoyé des troupes en Ukraine. Les autorités ont utilisé la loi pour étouffer les critiques de ce que le Kremlin appelle « opération militaire spéciale ».
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