Pour ceux qui espéraient que la guerre en Ukraine allait chasser à l’arrière-plan le dossier explosif de l’État de droit en Pologne, la journée du jeudi 10 mars a constitué un rappel à la réalité. Ni la Pologne ni les institutions européennes ne semblent prêtes à enterrer la hache de guerre.

Par une décision controversée, le Tribunal constitutionnel polonais a en effet déclaré la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) “incompétente” pour juger de l’indépendance de la magistrature du pays, rapporte le quotidien conservateur Rzeczpospolita.

“Le moment est on ne peut plus mal choisi”, souligne le journal, qui relève que la Russie avait adopté une position similaire avant de faire savoir qu’elle préférait quitter l’institution. “On ne peut pas critiquer les tendances autoritaires de Poutine et en même temps prendre ce dernier pour modèle”, martèle Rzeczpospolita.

Une “grave erreur politique”

Le quotidien n’a pas de mots plus tendres pour le Parlement européen, qui vient d’adopter une résolution demandant à la Commission européenne et au Conseil de l’Europe de se saisir du mécanisme liant le respect de l’État de droit au versement de fonds européens pour en priver Varsovie. “Une grave erreur politique”, d’après Rzeczpospolita, qui souligne que le pays fournit l’essentiel de l’effort pour accueillir les réfugiés ukrainiens : sur quelque 2,5 millions de personnes déplacées par le conflit à la date du 11 mars, plus de 1,5 million ont été prises en charge par la Pologne.

Ni la Commission ni les États membres ne semblent prêts à emboîter le pas au Parlement, mais l’initiative vient nourrir les récits selon lesquels l’Union européenne serait plus prompte à sanctionner la Pologne que la Russie.

Les seuls gagnants de ce regain de tensions, conclut le quotidien, sont “les radicaux anti-européens”, qui, alliés au parti Droit et Justice, à la tête de la majorité, se posent en “victimes de l’oppression européenne” tout en détruisant ce qu’il reste de confiance entre Varsovie et Bruxelles.