« La victoire de Biden: une mauvaise nouvelle pour les nationalistes et populistes »: J-D Giuliani, Président de la Fondation Robert Schuman.

Président de la Fondation Robert Schuman, Jean-Dominique Giuliani répond aux questions de La Revue Civique: rassuré par la probable élection de Joe Biden à la présidence des Etats-Unis, il souligne ici que les Européens devront néanmoins prendre davantage en charge leur avenir, en matière de Défense et de sécurité internationale.

-La Revue Civique:  les élections américaines ont montré que le « match » Trump-Biden était très serré, que les Etats-Unis étaient profondément divisés, les déclarations de Donald Trump provoquant une détérioration de l’image des Etats-Unis, dont les fondements démocratiques n’étaient pas jusqu’à présent mis en cause. L’attitude de  Donald Trump n’a-t-elle pas frisé l’irresponsabilité, mettant globalement en cause le respect des urnes, et en demandant l’arrêt du vaste processus démocratique américain ?

-Jean-Dominique GIULIANI: La victoire de Biden est une mauvaise nouvelle pour les nationalistes et les populistes. L’Amérique, certes divisée comme beaucoup de nations aujourd’hui, s’est montrée résiliente et a renvoyé un président dangereux.
Si elle se confirme, c’est une bonne nouvelle pour les Européens aussi qui pourront expliquer à ceux qui seraient tentés de suivre ce mauvais exemple, notamment en Europe centrale, qu’il n’y a pas d’avenir en Europe pour le nationalisme étriqué qu’ils voudraient cultiver.

« L’Europe doit en profiter pour s’affranchir de ses dépendances et se penser, enfin, en puissance ».

-Si Biden est finalement élu Président des Etats-Unis, quelles seront les changements majeurs, s’il en est, qui interviendront dans sa politique, notamment concernant les relations avec l’Union Européenne ? Certains minimisent les changements prévisibles, est-ce votre avis ?

– Les Etats-Unis se dotent d’un Président plus raisonnable, poli, prévisible, un chef d’Etat digne de ce nom avec lequel il sera plus aisé de parler. Mais pour autant, comme je l’ai écrit (Voir www.jd-giuliani.eu) , les Etats-Unis ne vont pas changer de politique. Ils s’éloignent de l’Europe, tournent leur regard vers l’Asie et ce qu’ils perçoivent comme la compétition majeure pour le leadership mondial : la rivalité avec la Chine.
Ceux qui, en Europe, croient que nous allons retrouver une relation transatlantique comme pendant la Guerre froide, se trompent lourdement et risquent de continuer à être sous tutelle d’une puissance qui n’est plus simplement un partenaire.

L’Europe doit en profiter pour s’affranchir de ses dépendances et se penser enfin en puissance.

Pour la défense européenne, « il faut surmonter les réticences bien compréhensibles de certains, notamment de nos voisins allemands »

« Les Européens doivent promouvoir leurs intérêts. Cela exige un outil militaire crédibilisant une diplomatie indépendante ».

– Pour l’OTAN, Trump a marqué la volonté nette, et brutale parfois, de désengagement américain. Une rupture qui a inquiété les dirigeants européens, l’Allemagne en particulier. Pensez-vous, comme l’a dit Emmanuel Macron, que l’OTAN est réellement, et durablement, en situation de « mort cérébrale » ? Et y a-t-il une alternative crédible, en matière de Défense et de sécurité internationale, que les Européens peuvent rapidement organiser ?

Oui, c’est une nécessité.

Il faut surmonter les réticences bien compréhensibles de certains, notamment de nos voisins allemands, dont la Constitution et les lois leur interdisent toute militarisation.

Les Européens doivent défendre et promouvoir leurs intérêts mais aussi leurs convictions, leurs valeurs et leur mode de vie. Cela exige un outil militaire crédibilisant une diplomatie indépendante. Il y faudra du temps, mais nous y parviendront.

(06/11/20)

– Le site de la Fondation Robert Schuman