C’est à 19 heures le samedi 7 novembre qu’ont commencé à pleuvoir les messages de félicitation en provenance des Européens à l’attention de Joe Biden, tout juste élu président des États-Unis, et de la vice-présidente Kamala Harris. À la tête de la Commission européenne et du Conseil européen, Ursula von der Leyen et Charles Michel ont insisté sur la volonté de l’Union européenne (UE) de rebâtir avec les États-Unis un « partenariat solide ».

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L’objectif à peine voilé est de tourner aussi vite que possible la page Donald Trump, avec qui Bruxelles entretenait une relation conflictuelle sur fond, notamment, de guerre commerciale. « À 19 heures, une fois que les résultats en Pennsylvanie étaient tombés, c’était le bon moment pour adresser des félicitations tout en respectant le processus électoral », relate une source européenne. Car « communiquer de manière simultanée, c’est aussi rappeler à Washington la coordination et l’unité des Européens », analyse Éric Maurice, directeur de la Fondation Robert Schuman à Bruxelles.

L’espoir d’une relation transatlantique renforcée

Dans la foulée, le président Emmanuel Macron a rappelé au nouveau duo Joe Biden-Kamala Harris que « nous avons beaucoup à faire pour relever les défis d’aujourd’hui », tandis que la chancelière allemande Angela Merkel a fait savoir (via son porte-parole, car elle n’est pas sur Twitter) que l’« amitié transatlantique est irremplaçable si nous voulons surmonter les grands défis de notre temps ».

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Treize minutes plus tard, le président du conseil italien Giuseppe Conte indiquait à son tour vouloir voir la relation transatlantique « renforcée ». Idem pour la Finlandaise Sanna Marin ou la Danoise Mette Frederiksen. Le Suédois Stefan Löfven a pour sa part appelé à « travailler conjointement pour le multilatéralisme, la démocratie et la sécurité mondiale ».

« C’est le soulagement de ne plus avoir à traiter avec Donald Trump qui prédomine », note Éric Maurice, qui poursuit : « Avec Biden, l’UE pense pouvoir revenir à un multilatéralisme fondé sur des règles, en adéquation avec ses valeurs. C’est ce qui a fait défaut avec Trump, qui prônait la loi du plus fort. »

Depuis 2016 en effet, l’UE est allée de déconvenue en déconvenue, assistant, impuissante, au retrait américain de l’accord de Paris, à la remise en cause de l’accord sur le nucléaire iranien ou au blocage du tribunal d’appel de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Il s’agit maintenant de réparer les pots cassés. Joe Biden a promis le retour dans l’accord de Paris, « ce qui peut engager une dynamique dans laquelle l’Europe sera moins seule dans la lutte contre le changement climatique », estime Éric Maurice. Avec l’Iran en revanche, tout est à renégocier.

L’enjeu des relations commerciales

C’est aussi et surtout sur le volet commercial que l’Europe cherche à être rassurée. En représailles aux subventions accordées au constructeur aéronautique Airbus, Washington a imposé une ribambelle de sanctions à l’UE, en plus de droits de douane déjà élevés sur l’acier et l’aluminium. Donald Trump menaçait d’en faire de même avec les voitures du Vieux continent. Une véritable « épée de Damoclès sur l’économie européenne », selon Éric Maurice, qui pense que « ces tensions-là devraient s’apaiser ».

L’expert met toutefois l’Europe en garde : « Les États-Unis et l’UE sont des rivaux commerciaux et le resteront. Biden sera moins hostile, moins brutal que Trump, mais il ne fera pas plus de cadeaux qu’Obama auparavant ! » Après tout, Joe Biden lui-même prône le « buy american » sur les marchés publics.

Et tandis qu’à la Commission européenne, le Français Thierry Breton rappelle que les États-Unis sont « le partenaire historique de l’Europe » et que le Néerlandais Frans Timmermans se réjouit de l’apaisement à venir, au Parlement européen, Arnaud Danjean (Les Républicains) s’agace : « Ceux qui se précipitent pour saluer, euphoriques, la « fin d’une parenthèse », risquent d’avoir un réveil difficile. Imaginer que la fin de Trump signifie le retour d’un âge d’or fantasmé du lien transatlantique, c’est ignorer l’évolution des États-Unis et du contexte international. »