« Tout ce qui compte en ce moment, c’est le plan de relance », relate l’eurodéputé écologiste Philippe Lamberts, coprésident des Verts/Alliance libre européenne au Parlement européen. Ce mercredi 8 juillet, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen - qui plaide pour une reconstruction à hauteur de 750 milliards d’euros - a convoqué un « pré-sommet », rassemblant à ses côtés la chancelière Angela Merkel, qui vient de prendre les rênes du Conseil de l’Union européenne (UE), le président du Conseil européen Charles Michel et celui du Parlement européen, David Sassoli. L’objectif ? « Préparer les négociations politiques intenses qui se profilent à l’horizon. »

Les pourparlers risquent de durer

Pour trouver un terrain d’entente, l’UE a besoin de mettre toutes les chances de son côté. L’organisation de ce « pré-sommet » avant la réunion des dirigeants des vendredi 17 et samedi 18 juillet - voire du dimanche 19 juillet, puisque les pourparlers risquent de durer… - en dit long sur la volonté des Européens de paver au mieux la voie de la reprise.

« On entre dans une phase de discussions très sérieuses, loin de la séquence de phrases malheureuses et de tensions entre dirigeants qui avait été provoquée par l’ampleur du choc », analyse Éric Maurice, directeur de la fondation Robert-Schuman à Bruxelles, citant par exemple la sortie du premier ministre portugais Antonio Costa, qui avait jugé « répugnante » la position défendue par Wopke Hoekstra, ministre des Finances des Pays-Bas - l’un des pays (avec l’Autriche, la Suède et le Danemark) dit « frugal ».

Les pierres d’achoppement ne manquent pas

« Aujourd’hui, l’UE a besoin de beaucoup de « cash » pour structurer ce rebond puisque les acteurs économiques sont à bout de souffle », estime l’eurodéputée Fabienne Keller (Renew Europe). Si à Bruxelles, la « relance » est sur toutes les lèvres, les moyens de la garantir ne font pas consensus.

Les pierres d’achoppement ne manquent pas : le montant global du plan, la répartition entre subventions et prêts (la Commission a proposé 500 milliards d’euros pour les premières et 250 milliards pour les seconds) ou les critères d’allocations entre pays, « cela fait beaucoup de paramètres qu’il faut aligner », note Éric Maurice.

Il rappelle qu’un accord doit aussi être trouvé sur le prochain cadre financier pluriannuel (CFP), c’est-à-dire le budget de l’UE pour 2021-2027. « Il n’est pas question d’en sacrifier un au profit de l’autre », prévient Ska Keller, l’autre coprésidente du groupe des Verts. En février, un CFP à hauteur de 1 094 milliards d’euros avait été retoqué par les Etats.

Négociations tous azimuths

Aux manettes du vaisseau qui rassemble ces derniers, le Conseil européen, Charles Michel a maintenant à nouveau les cartes en main : il planche sur les propositions de la Commission, pour les rendre plus acceptables pour les 27 délégations. Il pourrait opter pour un maintien du plan de relance à 750 milliards d’euros, mais pour une réduction du CFP.

Ces dernières semaines, l’ex-Premier ministre belge s’est entretenu avec la plupart des dirigeants pour préparer le terrain. Il s’apprête donc à partager les enseignements qu’il a tirés de ces conciliabules avec l’Italien David Sassoli et les Allemandes Ursula von der Leyen et Angela Merkel.

La place centrale d’Angela Merkel

Cette dernière occupe une place de choix dans les négociations. « Si elle parvient à convaincre ses homologues que 500 milliards d’euros de subventions sont nécessaires, on ne pourra que l’applaudir », souligne Philippe Lamberts.

→ ANALYSE. Plan de relance européen : la France joue son meilleur second rôle derrière l’Allemagne

Il n’y a qu’en matière de transition environnementale que l’élu se dit « pas tout à fait rassuré » : « Angela Merkel défend le modèle industriel du XXe siècle - l’automobile, les entreprises chimiques, les multinationales… » avance-t-il. La Commission européenne plaide pour sa part pour une « relance verte », alignée avec sa proposition phare d’avant-crise, le « Green deal », supposé faire de l’Europe un continent neutre d’un point de vue climatique en 2050.

« On a quasiment changé de monde… »

« J’espère que l’on se séparera, au moment de la pause estivale, avec un accord », ne cache pas l’Alsacienne Fabienne Keller. Éric Maurice en doute : « Le sommet des 17-18 servira à renouer les liens et à retrouver des conditions normales de travail à 27. Un autre Conseil européen, fin juillet, sera certainement nécessaire pour entériner les résultats du premier. »

Cinq mois se sont écoulés depuis la dernière rencontre « physique » des dirigeants. Et l’expert de glisser : « Depuis, on a quasiment changé de monde… »