L'Allemagne donne enfin son feu vert au successeur des chars Leclerc et Leopard
Berlin bouge enfin sur les dossiers de coopération franco-allemande dans la défense. Après des mois de tergiversations, la ministre de la défense Annegret Kramp-Karrenbauer signe l'accord politique final qui lance le projet pour la construction d'un système de combat terrestre commun entre les deux Etats.
Par Anne Bauer
Le ministère de la défense d'Allemagne a annoncé mardi 28 avril la signature officielle de l'accord politique avec la France pour la réalisation d'un char de combat commun. Ce projet de système de combat au sol (« Main Ground Combat System »), placé sous pilotage allemand, a pour ambition de remplacer les chars de combat français Leclerc et allemands Leopard 2 à partir des années 2035. En signant des documents longtemps discutés, Berlin déclare envoyer avec la France « un signal important pour la coopération européenne en matière de défense ».
Un signal positif
Les constructeurs allemands KMW et RheinMetall et français Nexter attendaient depuis longtemps ce signal, la volonté de faire un char franco-allemand commun ayant été confirmé il y a deux ans dans la déclaration de Meseberg par la présidence française et la chancelière allemande. Ce 28 avril, les ministres de la Défense Annegret Kramp-Karrenbauer et Florence Parly ont donc confirmé leur accord-cadre, qui définit l'organisation du programme, son financement à 50/50 et ses structures de gestion.
Une équipe de programme franco-allemande réunit les militaires et les ingénieurs des deux pays pour piloter le projet, tandis que les industriels se sont organisés dans une société de projet commune pour produire l'étude d'architecture. Plus aucun obstacle n'empêche la passation du premier contrat de 30 millions d'euros pour dessiner le système de combat au sol de demain . Par commodité, on parle de char commun, mais l'enjeu est de définir le système de supériorité tactique terrestre du combat du futur, avec son lot de robots, de communications sophistiquées et de divers détecteurs.
Besoin d'Allemagne
Ce projet a longtemps été reporté en raison des craintes des députés allemands de donner trop de poids à la France dans un projet qu'ils perçoivent comme un domaine d'excellence allemande. Dans le contexte actuel de crise, le feu vert de la ministre allemande est reçu comme un signal positif, car la France, qui plaide pour le maintien d'une politique de défense européenne ambitieuse, craint d'être isolée.
Si la Commission européenne a maintes fois répété sa volonté d'aller vers plus d'autonomie stratégique, l'élargissement soudain de ce besoin d'indépendance à un grand nombre de secteurs, comme la santé ou l'agriculture et la facture du sauvetage de secteurs clés comme l'aviation et l'automobile, fait craindre aux industriels de la défense une nouvelle baisse des budgets militaires. Comme le souligne le chercheur Jean-Pierre Maulnuy (IRIS), la défense européenne ne doit pas être victime du « grand verrouillage ».
Avec un groupe de chercheurs, ce dernier lance un appel à ne pas répéter les erreurs de l'après-crise de 2008, où les coupes dans les budgets militaires ont débouché sur des retards technologiques importants. « Une baisse des budgets de recherche dans la défense risque de mettre en péril le lancement de grands programmes à un moment où l'Europe tente de développer des avions de chasse de nouvelle génération, des chars de combat, des frégates et d'autres capacités telles que des systèmes sans pilote cruciaux pour son avantage militaire et technologique », écrivent les chercheurs. Et de souligner que plus que jamais, l'Europe doit coopérer pour ne pas perdre de capacités industrielles et technologiques essentielles, pour ne pas développer de nouvelles dépendances à l'égard des Etats tiers.
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