La chaîne Arte a un pied en France, l’autre en Allemagne. Une position particulière qui l’a très vite mise sur les rails de l’innovation (webdocumentaires, radio, podcasts…). Ses audiences modestes, tout comme son budget (279,50 millions d’euros en 2018), l’ont poussée à chercher des publics sur d’autres supports que l’antenne. A l’heure de la réforme de l’audiovisuel public, elle apparaît comme une pionnière. Sa présidente, Véronique Cayla, qui achèvera son deuxième mandat de cinq ans en avril 2021, expose ses ambitions européennes et ses projets pour la jeunesse.
Pourquoi Arte s’est-elle intéressée si tôt au numérique ?
« Pour compenser nos petites audiences, nous disséminons nos programmes sur tous les supports de diffusion possibles »
Nous avons été les premiers à nous intéresser à la télévision de rattrapage, car les documentaires, qui constituent plus de 50 % de notre programmation, sont de nature à être vus et revus. Puis, nous avons développé successivement la webproduction, une radio, des podcasts, la réalité virtuelle, des jeux vidéo… Nous nous intéressons à tout ce qui est en marge de la télévision classique. Pour compenser nos petites audiences, nous avons mené une politique d’« hyperdistribution » : nous disséminons nos programmes sur tous les supports de diffusion possibles. Nous n’adhérons pas au slogan du rajeunissement de l’antenne. Il faut plutôt aller chercher les jeunes sur les supports qu’ils fréquentent. C’est pourquoi nous avons développé la délinéarisation : Arte Europe – disponible en six langues (allemand, français, espagnol, anglais, polonais et italien) – est uniquement sur Internet. C’est la télévision de demain. Bref, nous sommes un média « déchaîné » qui n’est plus dans le carcan d’un menu obligatoire.
Que devient alors l’antenne ?
Près de 80 % de notre audience nous découvrent encore par ce biais. Ce rapport va s’inverser, mais l’antenne sera toujours nécessaire pour servir de bande-annonce. Dans le monde infini du numérique, ce sera un repère.
Comment survivre face à Netflix ?
Nous collaborons avec eux. Netflix achète toutes nos séries de fiction et nous leur servons de tête chercheuse pour des programmes plus innovants : leur deuxième création originale française, Osmosis, est une adaptation d’une de nos petites séries web de science-fiction.
Vous évoquiez Arte Europe. N’êtes-vous donc plus une chaîne franco-allemande ?
Dans les textes fondateurs, notre vocation était d’être une chaîne franco-allemande, mais aussi de faire dialoguer les peuples d’Europe. Il a fallu attendre Internet et sa capacité de diffuser quasiment gratuitement dans tous les pays pour que cela soit réalisable. C’est donc assez récent. Il a fallu convaincre également nos partenaires allemands, qui avaient tendance à préférer la relation bilatérale.
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